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Congo : vers la fin de la première guerre

Le Congo ex-Zaïre, ancienne colonie belge, est le « cœur malade » du continent africain depuis son accession à l’indépendance en 1960. Le maréchal Mobutu, à la tête du pays durant trente ans grâce au soutien de la CIA américaine et des présidents de droite de la Vème république française, s’était conduit en despote sanguinaire et imprévisible. Assassiné le 16 janvier 2001 dans son palais à Kinshasa par un garde du corps, son successeur, Laurent Désiré Kabila, chef de ce qui restait d’Etat congolais, était un rescapé des maquis « révolutionnaires » et anti-mobutistes des années 1960 ; et l’Organisation des Nations unies, qui s’apprête à déployer une force de paix (la Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo, Monuc) en vertu d’accords conclus en juillet 1999 à Lusaka, avait organisé en 1961 sa première action d’envergure en Afrique dans un Congo déjà en voie d’éclatement (sécession katangaise), proie des diamantaires et des mercenaires (1) ... Le fils de Laurent-Désiré Kabila, a été nommé président du Congo. 
 

Au cœur de l’Afrique - Le Congo est un des « géants » du continent, avec le Nigeria, l’Egypte, l’Afrique du Sud. Il constitue un réservoir hydroélectrique majeur, ainsi qu’un gisement minier exceptionnel (qui lui a valu le surnom de « scandale géologique »). Peuplé de cinquante millions d’habitants - et donc « premier pays francophone du monde », après la France - il partage neuf frontières avec ses voisins, notamment les « miniers » (Angola, Zambie), avec une fenêtre sur le Sahel (Centrafrique, Soudan) et sur les Grands Lacs (Rwanda, Burundi, Ouganda). Cinq à six corps expéditionnaires y sont déployés, et se sont livré depuis 1999 à la première grande « guerre africaine ». 
 

Venu par les armes - Laurent Désiré Kabila - dont Che Guevara, de passage en 1962 dans les maquis du Kivu, avait critiqué le manque d’envergure - avait ressurgi, trente-cinq ans plus tard, à l’est du Zaïre du président Mobutu Sese Seko, à la tête d’une Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL). « Un accident de l’histoire nous a fait tomber sur Kabila », a affirmé plus tard le numéro un rwandais, le général Paul Kagame. Le chef maquisard « maoïste » - qui avait également versé dans le trafic d’or et l’import-export - avait entamé en août 1996 une « longue marche » en direction de la capitale, conquise le 17 mai 1997 avec l’aide des soldats de M. Paul Kagame - le « khmer noir rwandais » - et de M. Yoweri Museveni - le « Bismark des Grands Lacs ». Pour prix de ce soutien, il avait laissé ces pays libres d’établir leurs propres règles d’épuration (massacre de centaines de milliers de réfugiés hutus soupçonnés d’avoir participé au génocide de 1994) et de sécurité (déploiement de troupes étrangères) dans les provinces de l’est, empêchant longtemps tout accès de diplomates et d’organisations non gouvernementales dans cette partie du Congo. Mais, disputé dès 1998 avec ses anciens alliés, qu’il avait accusé à son tour de vouloir porter atteinte à l’intégrité territoriale du pays, il n’avait survécu que grâce au soutien des unités envoyées par les présidents du Zimbabwe (M. Robert Mugabe), de l’Angola (M. Eduardo Dos Santos) et de la Namibie (M. Sam Nujoma). Sur le plan intérieur, il avait déçu les espoirs des « Kinois », sombré dans l’irrésolution, et perdu de vue la perspective historique dans laquelle il avait placé sa « révolution ». 
 

Le géant dépecé - Début janvier 2001, les forces alliées au régime de Kabila-père comprenaient 50 000 hommes des Forces armées congolaises (FAC), déployées dans la capitale, à l’ouest et au sud (mais mal entraînés), 2 000 à 5 000 soldats angolais (soucieux de contrôler également les allées et venues de la rébellion de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita) de Jonas Savimbi), 2 000 Namibiens, 12 000 hommes du Zimbabwe, renforcés dans la région du Kivu par les milices tribales maï-maï et des groupes rwandais interhamwe ou des ex-Forces armées rwandaises (fugitifs et réfugiés hutus ayant participé au génocide en 1994 - Lire à ce sujet « Au Rwanda, vivre avec le génocide » par Anne-Cécile Robert). Dans le camp adverse, les rebelles du MCD-G (région de Goma), du RCD-ML (Bunia), du MLC (Equateur), soit environ 25 000 combattants, appuyés par des corps expéditionnaires rwandais (17 à 25 000 hommes) et ougandais (10 000). Cinq mouvements armés ougandais cherchent à utiliser le nord-est du Congo comme « sanctuaire », de même que les rebelles hutus burundais, tandis que les forces armées de ce pays (à commandement tutsi) se sont attribué un « droit de poursuite » à l’intérieur du Congo. La plupart des acteurs de cette guerre (et notamment le Rwanda, l’Ouganda et le Zimbabwe) en profitent - parfois avec les apparences de la légalité - pour piller les richesses minières des zones dont ils ont le contrôle. 
 

Qui a armé le bras assassin ? - On ne le saura sans doute jamais (tout comme on ne sait toujours pas qui a abattu en avril 1994 au dessus de Kigali l’avion transportant les présidents rwandais et burundais, déclenchant le génocide). « On peut y aller en conjectures, affirmait Dominique Sacombi, porte-parole de la présidence, au surlendemain de l’assassinat. Mais nous sommes en pleine guerre. Nous avons beaucoup d’ennemis. Ca peut provenir d’eux ou de leurs commanditaires ». Ou Laurent-Désiré Kabila était-il devenu encombrant, y compris pour ses alliés, cherchant une porte de sortie au « bourbier » congolais ? A-t-il péri « de la même main qui avait tué Lumumba » (mais, en dépit de l’intérêt toujours des matières premières congolaises, on est loin des enjeux de la confrontation Est-Ouest, qui avait coûté la vie au premier ministre du jeune Etat indépendant) ? Ou a-t-il été plus généralement emporté « par le même mal que le maréchal Mobutu » : anarchie dans le pays, divisions au sein de l’armée, perte de contact avec la classe politique et la population ? 
 

Pour l’ex-chef des services de renseignements du maréchal Mobutu (2), l’assassin faisait partie d’un groupe de cinq jeunes gardes du corps originaires de l’est, proches du général Anselme Masasu, dont le président Kabila avait ordonné l’exécution en novembre dernier, au Katanga, ainsi que celle d’une trentaine de ses compagnons. Les assassins seraient alors les « Kadogos », les enfants-soldats qui avaient appuyé Kabila dans sa marche victorieuse sur Kinshasa, aujourd’hui laissés-pour-compte, comme l’expliquent Colette Braekman (3), ainsi que Stephen Smith et Antoine Glaser (4).D’autres scénarios ont été envisagés : un coup des services rwandais, ou angolais. Une commission d’enquête a été mise sur pied par les nouveaux responsables à Kinshasa ; mais son travail est considéré avec scepticisme. 
 

Transition à la hussarde - Après quelques jours de désarroi et de tension entre clans - qui expliquent les retards, mensonges et contradictions « à la soviétique » autour de l’annonce de la mort du « Mzee » (l’ancien, le sage) - la solution « dynastique » a été préférée, pour conjurer la réaction de la rue (risques d’émeutes dans la capitale) et celle des pays de la région (qui auraient pu profiter de la confusion pour pousser leur avantage). A l’issue d’une course de vitesse engagée entre plusieurs clans, le général-major Joseph Kabila, aîné des enfants du président assassiné, qui commandait l’armée de terre, s’est vu confier les rênes du pouvoir à Kinshasa, tout en restant « encadré par une sorte de conseil de régence, où l’on retrouve trois cousins de son père, sous la protection - outre des janissaires zimbabwéens et angolais - de deux beaux-frères paternels (5) ». 
 

Le nouveau Kabila - Joseph Kabila, un inconnu de 29 ans est de mère rwandaise, a été formé en Afrique de l’est, et parle plus volontiers le swahili et l’anglais que le français et le lingala (les langues parlées à l’ouest). Il est devenu en quelques jours « le plus jeune président du monde », et le quatrième chef de l’exécutif congolais, héritant d’un géant divisé en deux ou trois zones, où l’Etat n’existe plus. Dans son premier discours à la nation, le 26 janvier, il a promis l’ « ouverture » du régime hérité de son père, mais demandé d’abord « le retrait immédiat et sans conditions des envahisseurs » et l’application des accords de Lusaka. Le général-major a affirmé : « L’armée dont je suis l’émanation n’a pas vocation à accaparer le pouvoir, mais à restaurer l’intégrité du territoire. » Il a prôné une relance du dialogue intercongolais, invitant « tous les partis politiques à se joindre sans réserve au processus de Libreville ». Il s’est déclaré en faveur de la libéralisation économique, qui devra inclure « le marché des diamants » et la « libre circulation des devises ». Il a adressé spécialement sa « gratitude » à la France, rappelé les « liens historiques » avec la Belgique, et affirmé vouloir « normaliser ses rapports avec la nouvelle administration américaine ». 
 

L’accord de Lusaka - Il a été signé en juillet et août 1999 à Lusaka, par les gouvernements congolais, namibien, rwandais, ougandais, zimbabwéen, angolais, ainsi que par les rebelles du Mouvement de libération du Congo (MLC) et du Rassemblement congolais pour la Démocratie (RCD), qui contrôlent l’est du pays. 
 

Cet accord prévoyait un cessez-le-feu contrôlé par l’ONU et le désarmement de tous les groupes armés ; la formation d’une commission militaire conjointe comme prélude au déploiement d’une force onusienne de 5 000 hommes (la Monuc), le retrait de la République démocratique du Congo (RDC) de toutes les forces étrangères, une protection pour tous les groupes ethniques, le rétablissement de l’autorité de l’Etat dans tout le pays, et l’ouverture d’un « dialogue national » entre gouvernement, opposition, groupes d’ex-rebelles, menant à des élections. En pratique, l’accord n’était jamais entré en vigueur, notamment en raison de la réserve du président Laurent-Désiré Kabila. 
 

Vers un « sommet de la vérité » - La disparition du « Mzee » Kabila semble ouvrir la voie à un retrait progressif des forces étrangères d’occupation, sous les auspices du conseil de sécurité de l’ONU qui a auditionné le nouveau chef de l’Etat dès le 2 février à New York ; et à un déblocage du « dialogue intercongolais », avec la médiation du président gabonais, M. Omar Bongo. Une réunion du comité de prévention et de gestion des conflits de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) est également programmée. Le changement de président à Kinshasa a donné lieu à de pressantes démarches diplomatiques - tournées dans les Grands Lacs du ministre belge des affaires étrangères et de l’envoyé spécial de l’Union européenne, entrevue avec le président sud-africain, séjour du nouveau chef de l’Etat à Washington et à New York, occasion d’une première rencontre avec le président rwandais Paul Kagame, visant à réactiver l’accord de Lusaka et à organiser un « sommet de la vérité ». La Belgique, ancienne puissance coloniale, qui exercera la présidence de l’Union européenne à partir du 1er juillet 2001, souhaite favoriser une solution régionale. 
 

L’Angola et le Zimbabwe auraient « la tentation de sortir » du conflit en RDC (6). Le président rwandais, de plus en plus critiqué dans son pays, a déclaré de son côté que Lusaka restait une « base de travail viable ». Et le président ougandais, Yoweri Museveni, a envisagé, dès la fin janvier, un retrait de ses troupes, affirmant que les « buts de son pays ont été atteints » (aide aux Congolais de l’est, et sécurisation de la frontière pour en éloigner les rebelles ougandais) : « On ne peut éternellement se faire accuser de rester au Congo pour y voler de l’or ! » a-t-il déclaré au quotidien New Vision de Kampala. Un mouvement rebelle qu’il soutien, le Mouvement de libération du Congo de Jean-Pierre Bemba, exhortait début février le jeune président à entamer des négociations de paix. 
 
Flauris-N'ior NANGA 

 

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Modifié en dernier lieu le 1.03.2007
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